"Voyage au cœur des rythmes, des sons et des couleurs"
Catherine Keller
- Amel, Amel ... Aller, réveille-toi ...
- Humm ...
- Aller, un petit effort ... Regarde, je te donne cette plante ...
- Mais, mais où suis-je ?
- Tout au début. Tu as vu cette Plante, elle est toute petite. Elle est aussi grande que deux fourmis. Mais tu verras, elle évoluera. Tout reste à faire.
- A faire quoi ?
- Il te faut atteindre, l'atteindre. Mais sache que ce ne sera pas tâche facile. Il te faudra évoluer, comme cette plante. Bien sûr, nous serons là pour t'aider, mais uniquement pour t'apporter la force et l'énergie. Tu en auras besoin.
- Je me sens bizarre.
- Une chose sacrée: le temps. Trop tôt ou trop tard pourra t'être fatal. Même malgré tous nos efforts, nous ne pourrions peut-être rien, si cela venait à arriver.
- Je ne te voie pas, qui es-tu ?
- Tu le seras bien assez tôt. Ne t'inquiète pas, nous serons toujours ensemble, mais il faudra te débrouiller. Lorsque tu l'auras atteint, là seulement, je te guiderais, mais pas avant. Ne l'oublie pas, pas avant ce moment. Maintenant va. Suis ta route, et ne te retourne pas, va droit devant...
Et c'est ainsi qu'Amel fut laissé seul face à son propre sort, sans comprendre réellement ce qui se passait. Il avait juste cette Plante, dont il ne devait se séparer, quoiqu'il arrive. Il avançait tout en contemplant ce monde étrange. Il faisait sombre. Un léger reflet rose s'échappait de tous les objets autour de lui. Il ne pouvait s'empêcher de les toucher, essayant de les attraper en vain. Ils étaient visqueux et informes, mais doux et chauds. Ils avaient l'allure de la plante, mais en plus grands et plus développés. Il devait certainement s'agir d'une forêt dans laquelle bataillaient tous les arbres et plantes. Ceux-ci, en effet, ne cessaient de bouger, comme soulevés par le vent. Leurs branches s'entremêlaient, il ne pouvait deviner laquelle branche appartient à quel tronc. Où qu'il regarde, il y en avait partout, au-dessus de lui, en dessous. Il commençait juste à se rendre compte que lui-même n'était pas debout sur un sol stable, mais qu'il était comme ces plantes "en l'air". Il était enveloppé d'un liquide chaud, il se serait dit dans de la gélatine, dans laquelle il nageait comme un poisson dans l'eau. Il était bien. Dans cette pénombre, il apercevait également des particules en suspension. Il ne pouvait en distinguer la forme exacte, il les voyait simplement voltiger autour de lui. Certaines étaient de grandes tailles, d'autres plus petites, toutes émettaient une lumière rosâtre.
*****
Il portait toujours sa Plante. Elle avait grandi, elle était aussi grande que quinze fourmis. Il la tenait, serrée contre son cœur, quand il aperçu une corde qui semblait être attachée à lui. Il l'avait déjà remarquée, mais n'y avait pas prêté attention, il était trop ébloui par la beauté des lieux. Elle aussi était teintée de rose, visqueuse également, à la différence qu'elle ne s'éloignait pas de lui lorsque ses deux mains la touchaient. Comme elle ne semblait pas le quitter, il décida d'accrocher la Plante sur la corde, ainsi il aurait libre court de ses deux mains. Tout à coup, un petit être étrange, de la taille d'une main, vint s'agripper sur la Plante. La distinguant assez mal, il s'en approcha afin de mieux l'observer. Il eu juste le temps de reconnaître un Papillon, avant que celui-ci ne reparte, certainement effrayé par Amel. Son absence ne fut pas longue, le temps de faire le tour d'Amel et de se reposer sur la Plante.
- Bonjour Amel, je t'attendais. Nous allons nous promener, j'ai quelque chose à te montrer. Tu vas monter sur mon dos, et nous allons nous envoler.
- Mais, je suis bien trop grand pour m'agripper sur toi, je vais te faire du mal.
- Ne pose pas de questions et monte.
Les voilà partis, Amel sur le dos de cet animal tellement bizarre. Il sentait la douceur des ailes du Papillon à chaque mouvement. Ils survolaient la forêt. Amel se rendait compte de là-haut qu'en fait toutes ces particules rosées étaient en fait des papillons, de même que la couleur rose dominante provenait de ce liquide les enveloppant.
*****
- Regarde ta Plante, elle grandit, elle est maintenant comme une colonie de cinquante fourmis. Observe la bien, de très près, ne la vois-tu pas en train de se nourrir, elle a faim tu sais, et pour grandir elle a besoin d'énergie. Elle prend donc ce qu'elle arrive à attraper au vol, et ce que seul le liquide peut lui offrir. Ca y est, nous allons arriver, attention à l'atterrissage.
L'endroit où ils avaient atterrit ne semblait pas différent de celui qu'ils venaient de quitter quelque temps auparavant. Si ce n'est qu'Amel se sentait un peu moins à l'aise qu'avant. Il avait une légère sensation d'oppression. Il mettait cette sensation sur le compte de la plante qui ne cessait de grandir, celle-ci mesurait en effet au moins 75 fourmis, elle était donc plus lourde. Sans dire un mot, le Papillon s'en alla. Amel se sentait triste, il commençait à apprécier sa furtive compagnie. Son chagrin fut vite oublié. Au loin, il apercevait deux formes qui s'approchaient. Il s'agissait de deux filles, l'une était de bois, l'autre de tissus. La première avait son visage peint: ses yeux avec de longs cils, sa bouche souriant en croissant de lune ainsi que son nez étaient comme des dessins d'enfant. Elle traînait derrière elle des fils, qui jadis, devaient servir à la manipuler: elle était une Marionnette. Sa camarade était une Poupée de tissus, elle regardait à travers des boutons noirs, sa bouche était un morceau de laine cousu, comme ses cheveux. Elles portaient toutes deux des ballons colorés comme un arc-en-ciel. La Poupée tenait également un panier contenant des fruits.
- Notre ami le Papillon t'a mené là où il fallait, c'est très bien de sa part. En général, il est assez maladroit et tête en l'air. Ca ne m'aurait étonnée qu'à moitié qu'il t'emmène ailleurs, mais ne parlons pas malheur, tu es là, et dans les temps, commençe la Marionnette, qui ne cessait de s'agiter dans tous les sens. Elle tournait sur elle-même, simulait des saltos que bien souvent elle loupait. Au lieu d'atterrir sur ces deux pieds de bois, elle tombait sur son derrière, et d'un mouvement nerveux se relevait et repartait de plus belle dans ces galipettes.
-Veux-tu jouer avec nous, demanda la Poupée d'un ton calme. Nous avons pleins de ballons.
Cet endroit de la forêt s'était transformé en terrain de jeu, où les trois amis s'amusaient, s'envoyaient les ballons qui s'envolaient très haut au-dessus d'eux. A chaque fois la Marionnette faisait des bonds énormes afin de les rattraper. La Poupée, en revanche était très calme, se déplaçait guère, attendait patiemment qu'un des ballons lui parviennent. Amel s'amusait bien, il était tout heureux. Ses premières angoisses concernant la tâche dont avait parlé cette Voix inconnu disparurent. Il se dit que si cette rude tâche était nager, voler et jouer dans ce doux et chaud liquide, il se fera un plaisir de la mener à bien.
Après un certains temps, qu'il ne pouvait définir, la Poupée s'arrêta, s'éloigna et alla rejoindre le panier qu'elle avait laissée de côté de sorte à ce qu'aucun geste maladroit ne vienne abîmer les fruits.
- Arrêtons-nous quelques instants pour manger ces bons fruits, dit-elle.
Elle offrit un fruit, qu'elle avait au préalable nettoyé, à Amel. Celui-ci ne refusa pas. Il était inquiet, il ne savait pas ce que c'était. La Marionnette et la Poupée se mirent à rire en cœur lorsqu'elles aperçurent l'air sceptique d'Amel.
- N'ai crainte. Ce ne sont que des fruits, c'est vrai que c'est la première fois que tu en vois. Tu verras, ils sont très bon, tellement juteux et sucrés, tu vas les adorer, j'en suis sûr.
Après une seconde d'hésitation, Amel se décida à mettre le fruit dans sa bouche. Il le suça tout d'abord, et senti le goût très prononcé du fruit. Quelle sensation étrange. Jamais il n'avait connu cela. Il était pressé de finir ce fruit pour en reprendre un autre, mais en même temps il ne voulais pas enlever ce goût agréable de sa bouche. Il avala le fruit, mais celui-ci ne semblait pas passer. Il restait coincé dans sa gorge. Cela lui faisait mal. Il devenait tout rouge, il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Que ce passait-il? La Marionnette remarquant le malaise d'Amel, essaya de le rassurer. Lui disant que tout ceci était normal, mais que lui seul pouvait y remédier. Elle ne pouvait rien faire pour lui, ni elle, ni son amie la Poupée. Elle lui conseilla uniquement de respirer lentement et d'aller à la recherche de l'Arbre qui l'aidera à s'en sortir. Cette perspective de devoir retrouver un arbre n'enchantait guère Amel, après tout, il était dans une forêt où se trouvent un millier d'arbres. Mais il avait trop mal, il ne pouvait pas rester comme ça, il devait trouver cet Arbre.
- Tu verras, l'Arbre est particulier, tu le reconnaîtras d'entre milles. Mais fais vite, ton temps est compté, tu ne pourras pas rester une éternité dans cette situation. Bonne chance, lui lança la Poupée, tout en s'éloignant. La Marionnette l'accompagnait tout en tournant autour d'elle et en rigolant comme si de rien n'était.
*****
Amel était en colère, c'était de leur faute ce qui lui arrivait, et elles ne faisaient rien. S'il en avait eu la force, il leur aurait couru après, pour leur donner une bonne leçon. Mais il préféra garder son énergie pour retrouver cet Arbre, dont il ne savait rien. Il se mit à avancer lentement. Il regardait autour de lui, toujours ce même paysage, ces branches qui s'entremêlent, ces arbres informes et visqueux. La pénombre n'avait ni augmenté, ni diminué, ce n'est que le reflet rose sur les différents objets l'entourant qui lui faisait deviner la nature de ces objets. Il se rendait compte de la tristesse du paysage, tristesse qu'il avait provisoirement oublié lors des jeux et de son envolée avec le Papillon. D'ailleurs où était-il, il aurait bien voulu le revoir, espérant qu'il lui indique quoi faire pour l'aider. Mais il restait seul, et continuait d'avancer entre les arbres. Il ne savait pas combien de temps s'était écoulé depuis la rencontre avec les deux filles. Tout ce qu'il comprenait, c'était qu'il lui était vraiment de plus en plus dur de respirer. Tout d'un coup, il vit un des ballons avec lesquels ils avaient joué tous les trois. Cette fois-ci, il n'avait pas le cœur à s'amuser. Il s'approcha néanmoins de lui. Comme les autres ballons, il était de couleurs arc-en-ciel. Dessus, était également dessiner un autre ballon tout en haut d'un arbre. Un bien étrange arbre. Amel compris que c'était celui-ci qu'il devait retrouver. Il pris le ballon, l'approcha de son visage, et une chose inattendue se produisit, instantanément le décor changea. Il faisait noir tout autour de lui. Il avait l'impression d'étouffer de plus belle. Pour la seconde fois, il se sentit oppressé de tout côté comme si le monde rétrécissait. Heureusement, cette désagréable sensation disparut rapidement. Par contre, il ne pouvait toujours pas respirer convenablement, il sentait que le temps avançait. Il ne voulait pas se laisser abattre, lorsqu'il aperçut devant lui une forme, il reprit espoir. Et c'est à ce moment qu'il put distinguer dans la pénombre cette forme. Il en avait la certitude, il s'agissait de l'Arbre. Il était tout à fait différent des autres. Il avait un tronc, en haut partaient deux branches principales. La branche de droite était prolongée par trois petites branches, celle de gauche par deux. Et, sur chacune de ces petites branches poussaient des petites feuilles. La première joie disparut car il ne pouvait vraiment plus respirer, il avait vraiment très mal, il voulais faire demi tour, car l'Arbre ne le soulageait pas comme il l'aurait désiré. Usant de ses dernière forces, il s'avança jusqu'à l'Arbre, le pris dans ses bras, puis il disparut instantanément. Amel ressentit alors un énorme poids à l'intérieur de son corps, il cru mourir. Pour se soulager de l'immense douleur, il mit son pouce en bouche, se coucha et se laissa aller dans un sommeil profond.
*****
La Plante, toujours à ses côté, était aussi grande que deux colonies de fourmis et de quelques 25 rescapées. Amel passait d'un état de veille agité à un sommeil profond. Il avait à peine conscience, que ce qui l'entourait n'était plus cette étrange forêt, mais un pelage brun doux et chaud. Ce pelage suivait les mêmes rythmes irréguliers que le sommeil d'Amel. Le peu de temps qu'il était réveillé, il ne pouvait s'empêcher d'avoir le hoquet, mais il pouvait respirer. Ce pelage, en fait, était un Ours, il était dans les bras d'un Ours énorme. Ces mouvement était limité dans l'espace, ces gestes portaient moins loin que lorsqu'il était dans cette forêt. Il se sentait mieux dans le sommeil, il aurait préféré ne jamais en sortir. Mais l'ours l'en empêcha.
- Tu ne dois pas rester ici Amel, lui dit l'Ours. Il te faut continuer ton chemin. Tu n'as rien a gagner en restant à somnoler sur mon pelage, bien au contraire. Tu as réussis à trouver l'Arbre et à l'intégrer en toi mais ce n'est pas tout. Tu es loin d'avoir fini. Lève-toi, réveille-toi ou arrête-toi là, et dans ce cas, il n'y a plus rien à faire. A toi de choisir.
Lorsqu'Amel ouvrit ses yeux, il vit l'ours se transformer en Escargot, un magnifique petit Escargot, dont on devinait la coquille et la tête. L'Escargot se réfugia alors dans la Plante, qui ne cessait d'évoluer. On aurait alors dit trois colonies de fourmis. Depuis la Plante, l'Escargot s'adressait à Amel. Devant lui, se dessinait un bâtiment comme il n'en avait jamais vu. Une crise de hoquets le repris, il en rigolait d'ailleurs à présent. Ces crises stoppait aussi soudainement qu'elles arrivaient.
- Tu dois entrer dans ce bâtiment, tu verras, il s'agit d'un Labyrinthe. Tu l'as deviné, il te faudra trouver la sortie. Bonne chance!
Sans trop se poser de questions, Amel pénétra dans le bâtiment. Celui ne semblait être constituer que d'une pièce, une sorte d'antichambre, ouverte sur l'extérieur. Devant lui, trois murs, dont on en devinait l'emplacement dans la pénombre ambiante. Il s'en approcha, et vit que ces murs étaient en réalité constituées uniquement de toiles bien tendues. Il y avait plusieurs ouvertures, il lui fallait choisir la bonne ouverture. Il en pris une, au hasard. De toute façon, il se sentait fatigué, ces crises de hoquets ne cessant que très rarement. En y repensant, il se dit qu'il préférerait lorsqu'il avait du mal à respirer, c'était moins exaspérant. Peut-être s'était-il trompé d'Arbre, peut-être devait-il retourner en arrière à la recherche du bon, si seulement il existait. Mais, ce ne fut qu'une idée passagère, il souhaitait que tout ceci se termine, et gardait espoir, après tout il devait atteindre quelque chose, il ne savait pas quoi, peut-être était-ce la solution de toutes ces petites misères. Il continua donc. De l'autre côté de la toile tendue, se trouvait une pièce, plus petite que la précédente. Elle renfermait un ensemble de cavités. Lorsqu'il mettait la tête à l'intérieur de quelques unes d'entre elles, il revivait l'étrange expérience, au moment où il prenait l'Arbre dans ses bras, suivi des habituelles crises de hoquets, auxquelles il commençait à s'habituer. Dans certaines de ces cavités, il aurait pu, s'il le souhaitait, y rentrer, mais il y faisait nuit noir, de ce fait il n'osait pas s'y aventurer. Devant lui, il pouvait distinguer une cloison percée de deux fenêtres, l'une ovale, l'autre ronde. Il regarda à travers la fenêtre ronde, il entr'aperçu une autre pièce, différente des précédentes. Il ne pouvait cependant pas préciser ce qui l'en différentiait. Il se sentait attirer par elle. Il avait le sentiment qu'elle cachait quelque chose de spécial. Il ne voyait rien, mais ressentait comme une vibration très légère. De la fenêtre ovale, la vibration semblait plus importante. Il lui fallait à tout prix pénétrer dans cette étrange pièce, afin d'y découvrir son secret. Il tenta d'y accéder, en passant par la fenêtre ronde, mais celle-ci était bien trop étroite, il se tourna donc vers l'autre fenêtre qui n'était pas beaucoup plus grande. Il se dit qu'en se séparant de la Plante, il devait être possible de traverser. Il commença à la détacher de la corde, quand l'Escargot l'en interdit. Le menaçant que s'il s'en séparait, ça n'était même plus la peine de continuer, la mission était terminée, et définitivement. Cette remarque irritait Amel, mais il ne voulait pas tenter le diable, pour vérifier l'exactitude des dires de l'Escargot, après tout la Voix du début l'en avait également dissuadé.
L'univers autour de lui semblait se rétrécir, les murs se rapprochaient lentement. Il se mit en boule, essayant de se faire le plus petit possible, il coinça la Plante entre ses jambes et son torse, se roula dans la corde, et tenta dans cette position de passer à travers la fenêtre. La tête était dans l'autre pièce, la légère vibration se faisait plus forte. Il maudissait la présence de cette Plante, mais n'oubliait pas ce que lui avaient dit la Voix et l'Escargot. Mettant en œuvre tous les muscles de son corps, usant de toute son habilité, il réussi à passer une grande partie de son corps dans la pièce. Au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans la pièce, le bruit devenait assourdissant. A tel point que lorsqu'après maints efforts, il fut entièrement dedans, il cru devenir complètement sourd. Il percevait un rythme régulier de tambour, des craquements, ainsi que différents bruits ressemblant à des gargouillis. Ca n'était vraiment pas agréable, à la limite du supportable. En plus du bruit permanent, la pièce avait un aspect particulier. Elle n'était pas constituée de murs rigides, mais de tissus doux. Ces tissus collaient à la peau d'Amel. Il pouvait se déplacer, mais très lentement. Il était Prisonnier de ces tissus et de ce bruit assourdissant. Il se dit alors qu'il avait du se tromper quelque part dans le labyrinthe, il ne pouvait pas y avoir d'autre explication. Il voulait faire demi-tour, retraverser cette fenêtre, et réfléchir calmement à la situation. Il voulait absolument que ces bruits cessent. Malheureusement les fenêtres avaient disparues. Il ne les voyait plus. Pendant un instant, il perdit tout espoir, non, ça ne pouvait pas être vrai. Il devait faire un rêve. Pour se soulager, il se remit en boule, remit son pouce en bouche, et s'endormit.
*****
Il dormait, bercé par le rythme régulier du tambour, dont son cerveau s'était habitué. Ainsi, à son réveil, il entendait ce bruit, il se fit une raison, il se rendait bien compte qu'il ne pouvait plus reculer, et qu'il devrait faire avec. La Prison le serrait toujours. Il sentait maintenant un mouvement régulier des parois de celle-ci. De temps en temps, sa Prison s'animait, le serrait de plus belle, pour se desserrer et revenir ensuite telle qu'elle était. Il attendait, le pouce en bouche, contemplant la Plante, qui ne cessait de croître, quatre colonies de fourmis auraient pu vivre en elle. Elle se développait, elle devenait belle. Amel ne pouvait plus bouger ou très peu, un coup de pied de temps à autre, il se retourne pour être plus à l'aise. Des bruits étrangers venaient s'ajouter au précédent, il ne pouvait les définir, ils étaient trop faibles, mais il comprenait qu'il était directement concerné par ces bruits, que sans sa présence dans cette Prison, ces bruits n'auraient pas lieu.
*****
Un jour, alors qu'il attendait l'animation de sa Prison, il vit une lueur traversée la pénombre. Jusqu'à présent, les seules choses qu'il apercevait était des reflets rosés sur tous les objets et les êtres qu'il avait rencontrés. D'après ses souvenirs, seuls les ballons avec lesquels il avait joué ne présentaient pas cette couleur rosée. Maintenant, les parois de la Prison, à certains endroits se coloraient de bleu, de jaune, d'orange et de pleins d'autres couleurs. C'était vraiment beau. Il commençait à apprécier ce lieu, dans lequel il ne pouvait que très peu évoluer. Il aimait les ronronnements réguliers qu'il pouvait entendre, et cette Prison, qui de plus en plus souvent s'animait, telle une vague. Les premières angoisses s'étaient transformées en joie de vivre, il était bien. Le brouillard doré qui l'enveloppait le calmait. Et la Plante s'embellissait, elle était aussi grande que quatre colonies.
Il ne savait pas depuis combien de temps il était comme cela. Aux quatre colonies il s'était rajouté vingt cinq fourmis. De ce fait, la Plante prenait plus de place qu'avant, ce qui n'arrangeait en rien sa liberté de mouvement. Mais il faisait avec, de toute façon, il n'avait pas le choix.
Un jour, il s'aperçut que la vague tant aimée revenait plus régulièrement, elle était aussi plus intense. Elle le serrait plus fort en elle. La peau d'Amel était plus tendue, il devait se faire encore plus petit. Il commençait vraiment à avoir peur. Il ne comprenait pas du tout ce qui se passait autour de lui. Il s'était mis à apprécier cette Prison, malgré qu'elle le restreigne corporellement à si peu de mouvement. De plus, la Prison s'était mise à se modifier d'elle-même. Elle devenait un trou, comme un Tunnel, très serré, dans lequel, lentement il s'enfonçait. Il faisait chaud. Il était enveloppé par ce Tunnel. Une crise de hoquet le repris, plus intense que les précédentes.
- Tu dois sortir, lui cria quelqu'un dont il ne pouvait apercevoir le visage.
Mais sa voix ne lui était pas inconnue. Il lui aurait sembler reconnaître la Voix d'il y a longtemps, cette Voix si douce, qu'il avait entendu au tout début. Cette Voix lui semblait maintenant déformée, elle était si forte. Et elle lui demandait de sortir. Il se sentait rejetté. C'est cette Voix qui dirigeait tout depuis le début, il en était maintenant convaincu. Elle, également, qui voulait sa mort en l'étouffant d'un fruit. Il ne comprenant pas ce qu'elle attendait de lui. Le punissait-elle de n'avoir pas essayé de sortir de cette Prison, dans laquelle il se sentait si bien ? Elle l'avait prévenu, il devait l'atteindre, mais lui n'a rien fait pour. A partir du moment où il se trouvait bien dans cette Prison vivante, il n'a plus rien fait pour en sortir. Le temps doit être dépassé, il est trop tard. Elle lui en voulait, le punissait, et ne ferait rien pour l'aider à s'en sortir. Il se sentait triste et en colère, il avait du mal à supporter cette situation.
Les vagues se faisaient encore plus proches les unes des autres. Elles l'entraînaient plus profond dans ce Tunnel, dont il ne voyait pas le bout. Les reflets avaient disparu, il faisait noir. Cette Voix maléfique hurlait.
Puis il sentit un souffle chaud tout près de lui. Il vit deux lueurs, on aurait dit des Yeux. Pour lui, ce n'était qu'un Monstre, sans visage, dont il ne percevait que la Voix rauque et ses Yeux qui l'attendaient. Il ne pouvait plus rester ici, il fallait qu'il sorte. Il commençait à se débattre. Il savait que s'il ne s'en allait pas, il allait mourir étouffé, broyé et écrasé. Il détestait ce Monstre devant lui. Ce Monstre qui en même temps le chassait et l'empêchait de s'en aller. Il était devant. Les vagues s'étaient transformées en tempête. Elles l'emmenaient plus près de ces Yeux menaçant. La Plante avait cessé d'évoluer. Elle prenait la place de 5 colonies de fourmies. Petit à petit, elle se détachait de lui. La corde sur laquelle elle était attachée se tendait, prête à éclater. Il sentait la fin proche. Mais la fin de quoi ? Il doutait de tout. La fin de sa captivité ou la fin tout court ? Il frappait tout autour de lui. Les parois de ce Tunnel, les tissus enveloppant son corps, étaient tendus également. Il devait tout casser. Il était enragé, autant que ce Monstre devant lui, lui barrant la route, l'accès à la sortie. Ces Yeux étaient encore plus proches. Le Tunnel se faisait plus étroit. Il avait mal. Ils se battaient, le Monstre et lui. Le plus faible perdrait la vie, il devait donc gagner à tout prix. Il avait maintenant l'impression de pouvoir toucher les Yeux. Il tendait la main, mais celle-ci ne les atteignait pas. Un obstacle invisible l'en empêchait. Il aurait dit une toute petite ouverture. Si petite que seule une fourmis aurait pu s'y aventurer. Ces Yeux qu'ils percevait était en fait cette ouverture, d'où émanait une lumière très intense, l'aveuglant. Ses oreilles le faisaient aussi souffrir, des bruits inconnues, perçants, la Voix qui criait lui arrachait les tympans.
Soudainement, il sentit la Plante se désintégrer. Elle partit en miette, comme si des milliers de fourmis fuyaient leur territoire effrayées par un quelconque danger. Sa Plante disparaissait, il semblait mourir. La Voix se tut instantanément. Il ne voyait à présent plus cette ouverture, il était aveugle. Il devinait juste les morceaux de la Plante et l'Escargot qui l'habitait s'en aller par cette ouverture, il les sentait partir, l'abandonnant. L'univers dans lequel il avait vécu tout ce temps s'effondrait. De tout ce monde, il ne restait que du vide, il avait peur, il perdit connaissance.
Se réveillant, à peine conscient, il se mit à hurler.
Il entendit à nouveau une voix, une douce voix. Tout résonnait dans sa tête, mais cette voix était bien présente, elle pleurait, le Monstre était vaincu. Amel était passé dans un autre monde, complètement différent du précédent, dans lequel il compris qu'il allait continuer son aventure, l'aventure de sa vie.
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Source : Catherine Keller - Quant'Harmonia - https://quantharmonia.wixsite.com/catherine-keller